Du box des accusés, Monsieur M■■■■■■, mis en cause dans huit viols sur des jeunes filles à Rochefort-du-Gard et à Avignon (Vaucluse), surplombe la salle et observe les témoins, les avocats… Un sourire en coin lorsque l’une d’elles – Ilhame, 31 ans – assure qu’il était « un partenaire charmant ». « Il ne m’a jamais fait de mal… Je n’ai pas peur de lui », assure Ilhame, qui avait pourtant laissé entendre le contraire, à la gendarmerie de Bagnols-sur-Cèze.
Lundi et encore mardi, Monsieur M■■■■■■ s’est muré dans le silence. Pendant plusieurs mois en 2011, celui-ci a fait son marché à Avignon, embarquant des filles qu’il considère comme des « putes ». Des gamines âgées de 14, 16, 19, 21, 27 ans. Une fois dans une chambre de l’hôtel Le Lagon, à Rochefort-du-Gard, dans un appartement d’Avignon ou dans la voiture, il annonce aux plus jeunes qu’il va les « dévierger ».
Monsieur M■■■■■■ est un clandestin marocain âgé de 33 ans. Il a passé quelques années au Pays-Bas avant de rejoindre la France. En 2011, il est à Avignon, s’est acoquiné avec Monsieur J■■■■ et Monsieur H■■■■, qu’il utilise comme chauffeurs. Les trois hommes sont impliqués dans un trafic de drogue pour lequel ils seront condamnés par le tribunal correctionnel de Nîmes. Monsieur M■■■■■■ sniffe, chaque jour, 10 g de cocaïne.
Le jour et le soir, à Avignon, ce trentenaire et son chauffeur rôdent en BMW, en Audi A3. C’est apparemment Monsieur M■■■■■■ qui convainc ces jeunes filles insouciantes, déboussolées, voire fugueuses, de monter dans la voiture. Pour un verre, pour une soirée festive. Le véhicule roule et les emmène vers l’appartement ou vers l’hôtel Le Lagon. Monsieur M■■■■■■ connaît déjà quelques-unes de ses proies. Nabila, une copine de Samira est frappée, abusée… « J’avais 18 ans. Je ne voulais pas m’avouer que c’était un viol. Je suis allée plusieurs fois le rejoindre. J’avais peur qu’il salisse ma réputation. Une fois que la porte de la chambre était fermée, c’était un malade », témoigne la jeune femme.
Peur de lui
Monsieur J■■■■ et Monsieur H■■■■ assurent n’avoir rien su, rien vu. Sauf peut-être les traces de coup sur les visages des filles. « Vous faisiez venir des filles pour Monsieur M■■■■■■ en échange de drogue ? », demande Geneviève Perrin, la présidente de la cour d’assises. « Jamais, proteste Monsieur J■■■■, accusé de complicité de viols. Je me suis même interposé quand il a frappé Marylin dans la voiture. Et je ne les ai jamais forcées à monter. »
L’une des victimes, partie civile, est aujourd’hui son épouse. « Elle était alors votre petite amie et vous la laissez entre ses mains », constate la présidente de la cour d’assises. « Je n’ai pas pensé à ça, assure Monsieur J■■■■. Je ne le savais pas. Monsieur M■■■■■■ m’a frappé. J’avais peur de lui. »
Les plaidoiries des avocats des parties civiles, Mes Serignan-Castel, Cuilleret, Alcalde et Pamard ont débuté mardi 16 février. Les débats se poursuivent mercredi. L’avocat général a requis trente ans de réclusion criminelle contre Monsieur M■■■■■■.
« Il me disait de ne pas pleurer… «
« Il m’a tenue de force, me disait de ne pas crier, de ne pas pleurer… », témoigne Marylin, une frêle jeune fille à peine sortie de l’enfance, assistée de son avocate, Me Isabelle Cuilleret. Un soir de match de football, en juin 2011, Marylin, 16 ans, a été violée dans cet appartement de la Rocade, à Avignon. Quelques minutes plus tôt, elle s’était enfermée dans les toilettes. « J’avais peur. Il a ouvert la porte avec un couteau. Il m’a enfermée dans la chambre. Il m’a frappée, déshabillée », déclare la jeune fille, en larmes.
– » Vous étiez d’accord ? », lui demande la présidente de la cour d’assises, Geneviève Perrin.
– « Non », répond Marylin.
– « Il vous a fait du mal ? »
– « Oui.
– ‘Vous étiez vierge ?’
– ‘ »Oui »
Ce soir-là, elles étaient trois jeunes filles dans cet appartement : Marylin, 16 ans, Inès, 14 ans et Marion. « On m’a dit qu’il y avait une soirée à la Rocade (Avignon), a déclaré aux gendarmes Marion, une jeune fille en fugue, embarquée dans la BMW conduite par Monsieur J■■■■. Monsieur M■■■■■■ est le passager. Mais ce n’était pas une soirée de filles. À l’appartement, Monsieur M■■■■■■ a pris mon portable. Il a emmené Marylin. J’ai passé la nuit avec un garçon qui était, depuis peu, mon petit copain. Quand Maryline est ressortie de la chambre, elle était blanche. Elle m’a dit que Momo l’avait violée. »
Marylin a porté plainte le 4 juin 2011 à Avignon. Puis a quitté la région. « Je suis partie très très loin. Je ne l’ai plus jamais revu. J’avais peur », raconte la jeune femme.
MIDI LIBRE 17/02/2016